La culpabilisation des mouvements écologistes est un tropisme habituel de la conversation publique, et la figure de style préférée des propagandistes du laisser-faire. Tout au long de l’année qui s’achève, cette tendance a pris des proportions extravagantes, dopée par l’importance grandissante des réseaux sociaux et des télévisions « tout info » dans l’animation du débat démocratique – pour peu qu’une telle expression ait encore un sens. « C’est la faute aux écolos ! » : c’est l’élément de langage de l’année.

Si cette ritournelle est revenue si souvent en 2022, c’est précisément parce que l’année écoulée a été marquée de manière spectaculaire par les dégâts liés à la dégradation du climat et de l’environnement, amplifiés par la guerre en Ukraine. En somme, plus le déroulement des événements donne rétrospectivement raison aux environnementalistes, plus leurs adversaires doivent les stigmatiser pour leur faire pièce.

C’est un cas classique d’inversion orwellienne. « La guerre, c’est la paix », « l’esclavage, c’est la liberté » et les effets de la dérive climatique, « c’est la faute aux écolos ». Ainsi des incendies qui ont ravagé, tout l’été, les forêts françaises : à la Teste-de-Buch (Gironde), « les écologistes » auraient combattu avec succès, depuis deux ans, un plan d’aménagement de la forêt usagère destiné à la rendre plus facilement accessible aux pompiers. Cette fausse information, lancée le 15 juillet sur Twitter par un anonyme, puis aussitôt reprise par un célèbre publicitaire et animateur de la chaîne M6, a suffi à nourrir la controverse. Une semaine durant, elle a généré une quantité considérable de commentaires sur les réseaux sociaux et les plateaux de télévision, avant que plusieurs titres de presse, en particulier 20 Minutes, n’en démontrent le caractère mensonger.

Par effet de glissement et de généralisation s’imprime ainsi dans l’opinion l’idée que les politiques environnementales sont en réalité… dangereuses pour l’environnement. Et tout le temps passé à commenter cette information fausse, puis à la démentir, a été autant de temps en moins pour discuter les causes premières des incendies monstres de cet été : le réchauffement climatique, la généralisation des monocultures de résineux fortement inflammables, etc.

Culpabilisation abusive

Même narratif à propos du naufrage du parc nucléaire français, dont la production a été historiquement basse cette année : si les centrales sont en carafe, ce serait à cause de l’hostilité historique des écologistes pour l’atome. On ne sait pourtant trop à quel moment « les écologistes » ont pu être en position d’entraver sérieusement le développement de l’industrie nucléaire. Ni comment ils auraient pu jouer un rôle décisif dans les problèmes de corrosion qui ont entraîné des arrêts de réacteurs tout au long de l’année.

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