Le dernier acte de la présidence de Donald Trump s’est joué à la Chambre des représentants le 19 décembre. Au terme de ses travaux, la commission d’enquête constituée après l’assaut de miliciens et de sympathisants trumpistes contre le Capitole, le 6 janvier 2021, inspiré par la rhétorique incendiaire et complotiste de l’ancien homme d’affaires, a recommandé au département de la justice d’engager des poursuites pénales contre celui qu’elle tient pour l’instigateur des faits.

Les charges retenues sont lourdes : appel à l’insurrection, complot contre l’Etat, entrave à une procédure officielle, en l’occurrence la certification des résultats de la présidentielle de 2020, et fausses déclarations. Cette sévérité est le reflet de faits d’une gravité sans précédent dans l’histoire des Etats-Unis : une véritable tentative de coup d’Etat.

Ces poursuites mettent un point final à un mandat de bruit et de fureur, émaillé de deux mises en accusation par la Chambre des représentants, contrôlée par les démocrates mais où les républicains redeviendront majoritaires à la rentrée de janvier. A l’exception d’une poignée d’élus conservateurs qui l’ont payé de leur carrière politique, ces derniers ont tout fait pour empêcher que les travaux de cette commission aient un effet cathartique pour le plus grand malheur des institutions américaines.

Il appartiendra désormais au procureur spécial Jack Smith, nommé le 18 novembre par le procureur général des Etats-Unis, Merrick Garland, de trancher et de reprendre, ou non, tout ou partie de ces charges. Il sera confronté à la tâche délicate d’instruire le dossier d’un homme qui s’est déjà déclaré candidat pour la prochaine élection présidentielle et qui est décidé à dénoncer, une fois de plus, une fois de trop, une manœuvre politique.

Aveuglement

Jack Smith disposera des milliers de documents accumulés par la commission d’enquête au cours de ses travaux. Un matériau riche, en dépit du refus de témoigner de proches conseillers de celui qui occupait alors le bureau Ovale, et contre lesquels des poursuites sont également recommandées.

Deux enseignements peuvent d’ores et déjà être tirés de cet épilogue provisoire. Le premier concerne le Parti républicain, décidément incapable de s’opposer au nom des principes à celui qui n’a cessé de l’entraîner par le fond depuis qu’il est devenu son mentor. S’il finit par se détourner de lui, ce sera moins mu par un réflexe démocratique que par le constat, étayé par les résultats des élections de mi-mandat, que Donald Trump fait perdre son camp en étant incapable de sortir du déni quant à la victoire de Joe Biden à la présidentielle. Cet aveuglement est d’autant plus regrettable que les défaites essuyées par les candidats les plus enlisés dans le mensonge d’une élection volée montrent combien il est devenu une ligne rouge pour une bonne partie des électeurs aux Etats-Unis.

La seconde leçon, nourrie par les travaux de la commission d’enquête de la Chambre des représentants, est en fait un rappel. Les menaces les plus graves pour la démocratie américaine viennent aujourd’hui d’une extrême droite suprémaciste dont Donald Trump a banalisé les ressorts rhétoriques. Le poids des milices qui se sont portées au premier rang de l’attaque, le 6 janvier, en atteste. Cette situation n’est, hélas, pas propre aux Etats-Unis. Le démantèlement d’un réseau en Allemagne visant également les institutions du pays témoigne d’une même tentation insurrectionnelle, qui appelle une vigilance accrue.

Le Monde

lien source : Etats-Unis : après l’assaut du Capitole, le legs dévastateur de Donald Trump