Le républicain Kevin McCarthy, candidat au poste de « speaker » à la Chambre des représentants, le 3 janvier, à Washington. Le républicain Kevin McCarthy, candidat au poste de « speaker » à la Chambre des représentants, le 3 janvier, à Washington.

Voilà un scénario inédit en plus de cent ans : aux Etats-Unis, la Chambre des représentants est paralysée par des dissensions dans les rangs républicains qui empêchent les élus de choisir le speaker. La chambre basse du Congrès a clos sa journée, mercredi 4 janvier, sans parvenir à élire son nouveau président, s’enfonçant un peu plus dans la crise.

Après six votes infructueux depuis mardi, les élus se sont accordés pour suspendre leurs débats jusqu’à jeudi midi heure locale (18 heures à Paris).

Les débats ont repris à midi (18 heures, à Paris) dans l’hémicycle, avant d’être à nouveau suspendus quelques heures plus tard, faute d’un accord à l’issue d’un sixième vote.

Grand favori pour remplacer Nancy Pelosi au perchoir, le républicain Kevin McCarthy est suspendu au bon vouloir d’une vingtaine d’élus trumpistes qui l’accusent d’être trop modéré et jouent délibérément les trouble-fête. Membres de la frange la plus conservatrice du parti, ces élus profitent de la très fine majorité républicaine décrochée aux élections de mi-mandat (222 sièges, sur 435) pour poser leurs conditions.

Sans leur soutien, Kevin McCarthy ne peut pas être élu. Les Etats-Unis veulent « un nouveau visage, une nouvelle vision, un nouveau leadership », a argué le turbulent élu du Texas Chip Roy. Kevin McCarthy, membre de l’état-major républicain depuis plus de dix ans, a déjà accédé à nombre des exigences de ce groupe, sans que cela ne débloque pour autant l’impasse. Pire, l’opposition à sa candidature semblait se cristalliser mercredi, alors que M. McCarthy perdait, vers 22 heures à Paris, le sixième vote avec moins de voix qu’au premier.

Donald Trump veut « éviter une défaite embarrassante »

Le président démocrate, Joe Biden, a qualifié cette situation d’« embarrassante », en assurant que « le reste du monde » suivait cette pagaille de près. Chez les élus républicains non-réfractaires et largement majoritaires, un agacement commençait à se faire sentir, qui a donné lieu à des débats très animés dans l’hémicycle. « Tout ça paraît désordonné », a concédé l’élu Mike Gallagher, un proche de Kevin McCarthy.

Mercredi matin, l’ancien président Donald Trump a appelé son parti sur son réseau social à tout faire pour « éviter une défaite embarrassante ». « Il est désormais temps pour nos grands élus républicains à la Chambre de voter pour Kevin » McCarthy, qui fera « un bon boulot, et peut-être même un super boulot ». Néanmoins, l’ancien président, dont la réputation de faiseur de rois a sérieusement été mise en doute, n’est pas non plus parvenu à convaincre ce groupe conservateur à rentrer dans le rang.

L’élection du speaker, le troisième personnage le plus important de la politique américaine après le président et le vice-président, nécessite une majorité de 218 voix. Lors des quatre premiers tours, Kevin McCarthy n’a pas réussi à dépasser les 203. Le candidat démocrate, Hakeem Jeffries, a même fait mieux, en remportant les 212 voix des élus démocrates à la Chambre, sans toutefois entretenir d’illusions sur ses chances de nomination.

En 1856, deux mois et 133 tours pour élire le speaker

Cette situation paralyse aussi complètement le reste de l’institution : sans président, les élus ne peuvent pas prêter serment, ni donc passer aucun projet de loi. Les républicains ne peuvent pas non plus ouvrir les nombreuses enquêtes qu’ils avaient promises contre Joe Biden. Les démocrates observent cette impasse avec un certain amusement, lançant parfois rires narquois et applaudissements dans l’hémicycle.

Les élus continueront à voter tant qu’un président de la Chambre des représentants ne sera pas élu. Cela pourrait être l’affaire de quelques heures ou de plusieurs semaines : en 1856, les élus du Congrès ne s’étaient accordés qu’au bout de deux mois et 133 tours. Etre face à une Chambre hostile, mais désordonnée, pourrait se révéler être une aubaine politique pour Joe Biden, s’il confirme son intention de se représenter en 2024 – décision qu’il doit annoncer en début d’année.

Le président des Etats-Unis s’est rendu mercredi dans le Kentucky pour vanter le chantier d’un nouveau grand pont financé par une pharaonique loi d’infrastructures qu’il a portée, et qui avait récolté quelques voix républicaines au Congrès. Ce fut l’occasion pour lui d’endosser son costume favori de président centriste, friand des compromis, hérité de sa longue carrière de sénateur. Hasard du calendrier, il est accompagné du chef républicain de l’autre chambre du Congrès américain, le ténor du Sénat, Mitch McConnell.

Le Monde avec AFP

lien source : Etats-Unis : toujours pas de speaker à la Chambre des représentants après une deuxième journée de vote