Les partisans du Kremlin relaient une version de l’histoire selon laquelle les Ukrainiens auraient massivement collaboré avec le régime nazi pendant la seconde guerre mondiale. Une figure en particulier incarne ce narratif : Stepan Bandera (1909-1959), personnage le plus connu, mais aussi le plus controversé, du nationalisme ukrainien, érigé en repoussoir absolu par le président russe, Vladimir Poutine.

Stepan Bandera fut l’un des chefs de l’Organisation nationaliste ukrainienne (OUN), un mouvement clandestin né dans l’entre-deux-guerres, et le leader de sa branche la plus radicale et la plus violente, qui luttait par tous les moyens pour libérer l’Ukraine des jougs successifs de la Pologne et de l’Union soviétique.

A la faveur de la guerre qui a cours actuellement en Ukraine, l’instrumentalisation par Moscou de Stepan Bandera s’est trouvée de nombreux relais en France : François Asselineau, ex-candidat souverainiste à la présidentielle, cite régulièrement son nom et le présente comme « l’un des principaux Ukrainiens nazis ». L’ancien sénateur Yves Pozzo Di Borgo, visé par une enquête pour corruption en lien avec la Russie, accuse le président ukrainien Volodymyr Zelensky de « valider » cet « assassin ».

Un ultranationaliste violent, emprisonné pour terrorisme

Hormis une éphémère République populaire (1918-1920), l’Ukraine n’est indépendante que depuis 1991. Au fil de son histoire mouvementée, le territoire actuel est fragmenté, notamment entre la Pologne, la Lituanie, l’empire autrichien puis l’empire russe. Dans l’entre-deux-guerres, près de 26 millions d’Ukrainiens vivent sous domination soviétique. Les autres, environ 6 millions de personnes, sont dispersés entre la Pologne, la Roumanie et la Tchécoslovaquie.

Stepan Bandera voit le jour en 1909, en Galicie, un territoire situé dans l’ouest de l’Ukraine actuelle, appartenant alors à l’empire austro-hongrois. A la différence des populations se trouvant dans le giron russe, les Ukrainiens de Galicie disposent de certaines libertés et peuvent s’exprimer en ukrainien. C’est ainsi que cette région devient le terreau d’une culture nationale ukrainienne évoluant progressivement vers l’affirmation d’un nationalisme. A l’est, en revanche, la Russie mène une politique assimilationniste, où les populations locales n’ont guère la possibilité de s’exprimer dans leur langue ou de disposer d’une structure politique qui leur est propre.

Des portraits de Stepan Bandera dans un musée qui lui est dédié à Staryi Uhryniv (Ukraine), le 25 juin 2022. Des portraits de Stepan Bandera dans un musée qui lui est dédié à Staryi Uhryniv (Ukraine), le 25 juin 2022.

Au lendemain de la première guerre mondiale, la Galicie est rattachée à la Pologne. Celle-ci tente de reléguer les ukrainophones au rang de citoyens de seconde zone. Une politique de « polonisation » qui va encourager de nombreux nationalistes ukrainiens à s’organiser et entrer en résistance, dont le père de Stepan Bandera, Andreï, un prêtre gréco-catholique qui a pris part à la révolution ukrainienne de 1917. Les événements « liés à la tentative d’établir un Etat indépendant ukrainien » ont eu « un impact considérable sur lui », souligne l’historien germano-polonais Grzegorz Rossolinski-Liebe, dans une biographie de Stepan Bandera parue en 2014 :

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lien source : Guerre en Ukraine : le mythe Bandera et la réalité d’un collaborateur des nazis