

La garde à vue de l’homme soupçonné d’avoir tué avec une arme de poing trois Kurdes et d’avoir blessé trois autres personnes à Paris vendredi a été prolongée, samedi 24 décembre, a fait savoir le parquet, annonçant que le mobile raciste avait été ajouté à l’enquête.
Les investigations portent désormais sur des faits d’assassinats, de tentatives d’assassinat, de violences avec arme et d’infractions à la législation sur les armes à caractère raciste. « L’ajout de cette circonstance ne modifie pas la peine maximale encourue, qui demeure la réclusion criminelle à perpétuité », a également précisé le parquet.
Peu avant midi vendredi, un homme a ouvert le feu rue d’Enghien, dans le 10e arrondissement de Paris, dans un quartier commerçant prisé de la communauté kurde. Le suspect, âgé de 69 ans, est un conducteur de train à la retraite de nationalité française.
Les faits se sont déroulés dans le Centre culturel kurde Ahmet-Kaya et dans deux commerces voisins, dont un salon de coiffure, kurde lui aussi. Ce centre, point de ralliement de la communauté à Paris, accueille le Centre démocratique kurde de France (CDKF), qui est la principale émanation du mouvement nationaliste kurde en France et la façade légale du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), en guerre contre l’Etat turc et considéré comme une organisation terroriste par l’Union européenne.
Connu de la justice pour trois affaires
Blessé au visage lors de sa neutralisation, le suspect a aussitôt été placé en garde à vue. Il est connu de la justice pour trois affaires. Il avait été condamné une première fois, en 2017, à six mois de prison avec sursis pour détention d’armes prohibée. En juin 2022, il a de nouveau été condamné, à douze mois de prison cette fois, pour des faits de violences avec arme commis en 2016, condamnation dont il a fait appel.
Il a surtout été mis en examen pour des faits de violence avec arme à caractère raciste qui font écho à cette tuerie. Le 8 décembre 2021, il est soupçonné de s’être rendu avec un sabre dans un camp occupé par des migrants, situé dans le 12e arrondissement de Paris. L’homme, qui n’a pas encore été jugé pour ces faits, aurait alors blessé deux hommes à coups de sabre et dégradé six tentes avant d’être blessé par les victimes qui tentaient de le désarmer.
Après un an en détention provisoire, il a été remis en liberté le 12 décembre, comme l’exige la loi, et placé sous contrôle judiciaire, selon la procureure de Paris, Laure Beccuau.
Trois personnes, une femme et deux hommes, ont été tuées vendredi, un homme a été sérieusement blessé et deux hommes moins grièvement, selon un dernier bilan.
D’après Agit Polat, porte-parole du CDKF, la femme est Emine Kara, responsable du Mouvement des femmes kurdes de France. Elle avait combattu et milité durant trente ans dans les quatre parties du Kurdistan, en Turquie, Irak, Syrie et Iran. Selon Berivan Firat, une autre porte-parole du CDKF, Emine Kara avait pris part au combat contre l’organisation Etat islamique (EI), les armes à la main, durant la reconquête de Rakka par les forces kurdes appuyées par la coalition internationale. Elle avait depuis demandé l’asile politique en France et s’était vu refuser le statut de réfugiée par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra), décision dont elle avait fait appel.
Les deux hommes sont Mir Perwer, un chanteur kurde réfugié politique en France, et Abdulrahman Kizil, un vieil habitué du Centre culturel Ahmet-Kaya.
« Ce sont des assassinats politiques »
L’émotion a gagné la communauté kurde, qui a évoqué un acte « terroriste » et mis en cause la Turquie. Des incidents ont éclaté vendredi après-midi avec les forces de l’ordre.
Le préfet de police de Paris, Laurent Nunez, a reçu samedi matin des responsables de la communauté kurde. La piste d’un attentat terroriste a été écartée à ce stade des investigations, suscitant l’incompréhension et la colère du CDKF. « Le fait que nos associations soient prises pour cible relève d’un caractère terroriste et politique, a déclaré M. Polat à l’issue de sa rencontre avec M. Nunez. Nul doute pour nous que ce sont des assassinats politiques. »
Le suspect a voulu « manifestement s’en prendre à des étrangers », avait affirmé vendredi le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, précisant qu’« il n’est pas sûr que le tueur qui a voulu assassiner ces personnes (…) l’ait fait spécifiquement pour les Kurdes ». Le suspect est inconnu des fichiers du renseignement territorial et de la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), et M. Darmanin a précisé également qu’il ne disposait pas d’informations qui relieraient le suspect à des faits antérieurs liés à l’ultradroite.
Plusieurs centaines de personnes, dont la maire du 10e arrondissement, Alexandra Cordebard, étaient réunies samedi à la mi-journée, place de la République à Paris, pour rendre hommage aux victimes de l’attaque. Dans la foule, de nombreux manifestants agitaient des drapeaux du PKK ou à l’effigie des trois militantes kurdes assassinées en janvier 2013 à Paris. Des violences ont éclaté entre manifestants et forces de l’ordre en marge du rassemblement. Au moins quatre voitures ont été renversées, dont au moins une incendiée, et des poubelles brûlées sur le boulevard du Temple, près de la place de la République. Les forces de l’ordre, visées par des jets de projectiles, ont répliqué par des tirs de grenades lacrymogènes.

Rebecca est rédactrice en chef et n’hésite jamais à dire la vérité. Elle collecte et présente des informations sous forme de reportages. Elle peut alors évaluer la qualité de ces informations. Elle utilise ses compétences en communication pour influencer et persuader les autres. Elle n’utilise que les meilleurs ingrédients. Elle est un bon juge de ce que les gens trouvent intéressant. Elle peut proposer des histoires fascinantes sur divers sujets d’actualité de l’industrie et des sujets d’études de marché. Elle est disponible pour partager des histoires pertinentes et fournir des informations supplémentaires.
lien source : Kurdes tués à Paris : le mobile raciste du tireur est retenu dans l’enquête