

Comment peut-on être à la fois un bon élève sur le plan économique et avoir perdu 10 % de sa population en dix ans, à cause d’une vaste fuite des cerveaux ? Dimanche 1er janvier 2023, la Croatie rejoint la zone euro, devenant son vingtième pays membre, et l’espace Schengen, son vingt-septième membre, dans une situation paradoxale.
De prime abord, il s’agit d’un succès politique et économique indéniable pour un Etat qui était encore en guerre il y a trois décennies. Un conflit qui, de 1990 à 1995, a fait 20 000 morts, pour un coût total sur cinq ans représentant 160 % du produit intérieur brut (PIB). « C’est une accession réussie à la vitesse d’une fusée, seulement dix ans après être devenu membre de l’Union européenne [UE], se félicite Ognian Zlatev, le représentant de l’UE à Zagreb. La Croatie peut être fière. »
Le premier ministre, Andrej Plenkovic, évoque « la réalisation d’un rêve ». « C’était notre objectif dès le départ, ajoute Boris Vujcic, le gouverneur de la banque centrale, qui a été, dans les années 1990, un fonctionnaire européen, puis a fait partie de l’équipe de négociation permettant à son pays de rejoindre l’UE, dans les années 2000. Il n’y avait aucun doute pour nous : nous sommes une nation européenne. »
Sur le papier, les statistiques sont fragiles, mais positives : après six années de récession catastrophique, entre 2009 et 2015, la croissance nationale dépasse 20 % depuis 2016, le chômage a reculé à 7,2 %, son niveau le plus bas depuis trois décennies, et le PIB par habitant atteint désormais 70 % de la moyenne de l’UE, ce qui le situe entre la Grèce et le Portugal.
Loin des ors des palais officiels et des tableaux de statistiques économiques, le groupe d’une dizaine de retraités attablés dans un petit café de Donji Lapac voit les choses autrement. Ce village, situé dans les montagnes du sud du pays, à proximité de la frontière avec la Bosnie-Herzégovine, demeure terriblement balafré par l’opération « Tempête » de 1995, quand les derniers bastions de résistance serbe ont été chassés.
« La quatrième monnaie de notre vie »
Dans les rues, il reste encore des maisons brûlées, restées en l’état depuis trois décennies. D’autres ont été reconstruites à la va-vite par l’Etat, reconnaissables à leurs parpaings apparents, sans que la façade ait jamais été achevée. Ces retraités, majoritairement des Serbes qui ont fui à l’époque et sont revenus après plusieurs années d’exil, vivent désormais loin de leurs enfants. Faute de salaires décents, ces derniers sont partis chercher du travail à l’étranger et se sont installés en Norvège, en Australie, au Royaume-Uni, en Islande ou encore en Suisse. A Donji Lapac, la population est passée de 2 100 à 1 300 habitants entre 2011 et 2021.
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lien source : La Croatie, en fragile reconstruction économique, relève le défi de l’entrée dans l’euro