Dans un bistrot parisien, le matin de la panne, des clients prennent leur café à la lueur des bougies, le 19 décembre 1978 à Paris. Dans un bistrot parisien, le matin de la panne, des clients prennent leur café à la lueur des bougies, le 19 décembre 1978 à Paris.

Il y a quarante-quatre ans, le 19 décembre 1978 à 8 h 27 exactement, la France est plongée dans le noir. Par ce matin d’hiver particulièrement froid, tel un battement d’ailes de papillon, une surcharge sur une ligne à haute tension entre Bezaumont (Meurthe-et-Moselle) et Creney-près-Troyes (Aube) fait disjoncter l’ensemble du réseau. Presque tout le pays se retrouve à l’arrêt. Métros, trains, feux tricolores, ascenseurs, radiateurs sont en carafe, semant une indescriptible pagaille. Même les centrales électriques tombent une à une en panne… faute d’électricité pour les alimenter.

Il faut près d’une journée à EDF pour rétablir le réseau. « La fée électricité s’était étalée de tout son long et se relevait passablement crottée ! », écrira Marcel Boiteux, alors directeur général d’EDF, dans Haute tension, paru en 1993 (Odile Jacob). Au lendemain du désastre, André Giraud, ministre de l’industrie, lance une commission d’enquête pour « faire la lumière » (sic) sur les responsabilités. Le rapport s’avérera lénifiant. « Personne ne fut promis à la guillotine », ironisera Marcel Boiteux dans son autobiographie, qui est aussi l’histoire d’EDF.

Le coupable était tout trouvé

Personne ? Voire ! Comme aujourd’hui, où les menaces de délestages, et même de coupures intempestives, planent sur les usagers, le coupable était, en 1978, tout trouvé : les écologistes opposés au nucléaire. Les arguments entendus ces jours-ci de la part de responsables politiques et d’une partie de l’opinion publique semblent faire écho aux raisonnements de l’époque. Et ceux qui sont actuellement accusés d’avoir provoqué le vieillissement voire
l’obsolescence du parc, dont la maintenance met, cet hiver, en tension l’ensemble du réseau, l’étaient déjà de vouloir en empêcher la gestation et la naissance.

Cette décennie-là, la France met en branle un grand plan de construction de centrales. Le but est d’accroître l’indépendance énergétique du pays, dans le contexte du choc pétrolier de 1973. La politique du « tout-électrique » vire vite au « tout-nucléaire », les technologies de l’éolien et du solaire étant alors jugées inefficaces. Il est prévu le lancement de sept à huit tranches de ­réacteur par an.

Mais les chantiers sont retardés par des manifestations, parfois violentes, comme à Fessenheim (Haut-Rhin), en 1975, ou à Creys-Malville (Isère), en 1977 – les affrontements feront un mort. Marcel Boiteux échappe, lui, à un attentat à l’explosif, en juillet 1977. Au moment où intervient la grande panne nationale, à Plogoff (Finistère), des opposants bretons, soutenus par des élus locaux, s’organisent pour empêcher la construction d’une centrale à la pointe du Raz. Les mêmes résistances apparaissent à Golfech (Tarn-et-Garonne).

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lien source : Le black-out de 1978, feu vert pour le tout-nucléaire