La Villa Kujoyama, à Kyoto (Japon), en septembre 2022. La Villa Kujoyama, à Kyoto (Japon), en septembre 2022.

En quittant fin décembre Kyoto, au Japon, Johan Després, architecte français devenu maçon par goût de l’argile, savoure sa chance et mesure sa dette. Quatre mois durant, l’artisan, spécialiste du bâtiment en pisé, a vécu à son rythme et à celui de la Villa Kujoyama, la résidence d’artistes gérée par l’Institut français, opérateur des ministères des affaires étrangères et de la culture, agrippée depuis trente ans au mont Higashi. Confié aux bons soins de Masako Kotera, la bonne fée chargée de mission culturelle, dont le rire contagieux compense l’austérité monacale du site, il a pu se frotter aux enduiseurs japonais, apprendre leurs techniques et imiter leurs gestes, en dépit de la barrière de la langue.

Quelques jours avant son retour près de Montbrison, dans la Loire, le jeune homme phosphorait sur les mérites comparés des deux cultures : « Au Japon, un artisan est reconnu. Ici, il n’y a pas eu de perte du savoir-faire. »

Grâce à l’Institut français, toutefois, il a eu le privilège de réfléchir et de pratiquer, sans souci de rentabilité, tout en percevant un pécule mensuel de 2 100 euros. Une somme non négligeable pour lui, un investissement revendiqué par le Quai d’Orsay, qui multiplie, ces temps-ci, les initiatives diplomatico-culturelles. Objectif : faire des résidents des ambassadeurs au service du soft power français.

La Villa Kujoyama, à Kyoto (Japon), en août 2022. La Villa Kujoyama, à Kyoto (Japon), en août 2022.

On connaissait la Villa Médicis de Rome, ses pins et ses paons, le fantôme de Balthus, hors du temps. Ou encore, toujours sur le Vieux Continent, la Casa de Velazquez, créée à Madrid dans les années 1920, aujourd’hui sous l’égide du ministère de l’enseignement supérieur.

Malgré la difficulté à la fois de financer et de faire rayonner ces lieux, d’autres résidences sont nées ces dernières années au gré des enjeux diplomatiques français. En 2019, au Sénégal, une Villa Saint-Louis Ndar a accompagné le discours sur la réconciliation postcoloniale avec l’Afrique francophone. En 2021, dans le cadre d’un accord intergouvernemental avec l’Arabie saoudite, la Villa Hegra s’est ouverte sur le site nabatéen d’Al-Ula. Lors de son voyage en août au Bénin, le président Emmanuel Macron a encore annoncé, sans crier gare, la création d’une Villa Médicis à Cotonou.

Et, pour relancer les relations diplomatiques avec l’Australie, refroidies par la décision d’annuler en 2021 l’achat de douze sous-marins conventionnels français, un projet de fondation culturelle dotée d’un volet résidence est aussi à l’étude. « Il y a une mode des résidences, reconnaît un diplomate. On se dit que c’est la formule magique pour conjuguer le soutien aux artistes et la diplomatie d’influence. »

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lien source : Les résidences d’artistes, un outil diplomatique à la mode pour la France