

Le téléphone a sonné très tard dans la soirée, mardi 6 décembre, un numéro masqué. Marie Lajus a quand même décroché ; quand on est haut fonctionnaire, à la veille d’un conseil des ministres, c’est toujours plus prudent. Effectivement, c’était le directeur de cabinet du ministre de l’intérieur, Pierre de Bousquet de Florian. Qui a annoncé à la préfète d’Indre-et-Loire qu’elle allait rentrer à Paris, que cela faisait deux ans et demi qu’elle était en poste, et que son successeur allait être installé en janvier. Il ne lui a pas signalé de nouvelle affectation ni expliqué la raison de sa disgrâce, mais lui a simplement indiqué qu’il y avait eu des remontées d’élus « négatives ».
Le coup est violent. Un petit mois pour faire ses bagages, déménager de la préfecture de Tours, changer les enfants d’école… Etre muté au bout de deux ans et demi pour un préfet n’est pas anormal ; être limogé à la discrétion du gouvernement est brutal, mais pas inhabituel. Ce qui l’est moins, c’est l’article du 14 décembre du Canard enchaîné qui affirme que les élus locaux ont obtenu sa tête en raison de son opposition à un projet immobilier, suivi, le 26 décembre, d’une tribune dans Le Monde signée par cinquante personnalités, dont Nicole Bonnefoy, la sénatrice de la Charente.
Les signataires font part de leur « stupéfaction » devant « une profonde injustice ». Selon eux, la préfète « aurait été limogée pour avoir fait respecter le droit de l’urbanisme », ce qui est pourtant son métier. Une pétition « Marie Lajus, une Préfète intègre ! », avait recueilli plus de 2200 signatures jeudi 29 décembre et est venue compléter le tableau. L’affaire est cependant un peu plus compliquée, et le problème d’urbanisme n’explique pas tout.
La carrière de Marie Lajus est hors norme, mais brillante. Normalienne, agrégée de lettres modernes, diplômée de Sciences Po, elle choisit, après une année à l’université de Californie à Berkeley… la police. Major de sa promotion à l’entrée et à la sortie de l’école des commissaires, et après plusieurs postes sensibles en région parisienne, elle est nommée responsable de la communication de la préfecture de police de Paris en 2006 puis, en 2009, directrice de la prévention à la mairie de Paris, sous Bertrand Delanoë, avec une pépinière de jeunes talents.
Rigoureuse
Manuel Valls, qui cherchait un profil atypique, a intégré en 2012 la jeune femme dans le corps préfectoral et l’a nommée préfète déléguée à l’égalité des chances dans les Bouches-du-Rhône – elle qui, étudiante, donnait des cours de français aux détenus et aux travailleurs immigrés –, avant de l’envoyer, en 2015, dans la petite préfecture de l’Ariège puis, en 2018, en Charente, un département deux fois plus peuplé. Enfin, Gérald Darmanin l’a nommée préfète d’Indre-et-Loire en 2020 ; elle a reçu le ministre de l’intérieur à plusieurs reprises dans le cadre de ses fonctions, sans la moindre ombre de contentieux. Marie Lajus a la réputation d’avoir une sensibilité de gauche, mais a su garder une neutralité de bon aloi. « Elle a des qualités indéniables », assure un préfet, « elle était souvent citée en exemple », indique un autre ; « techniquement, elle est excellente, elle a toujours lu les circulaires avant tout le monde, conclut un troisième, et son parcours parle pour elle ».
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lien source : L’éviction brutale de Marie Lajus, préfète hors norme, victime de remontées d’élus « négatives »