
Dès le premier échange téléphonique, on sent vite que la partie est loin d’être gagnée. N’approche pas du canon Caesar qui veut, nous fait comprendre d’une voix décidée Jérôme Galy-Dejean, directeur de la communication de l’entreprise française Aubert & Duval, réputée dans le monde entier pour ses alliages à haute performance. Pourtant, c’est bien le Caesar qui nous intéresse. Ce fleuron national est devenu le symbole du soutien militaire de Paris à Kiev, en guerre contre l’envahisseur russe depuis dix mois.
Monté sur un camion blindé, le canon de 155 mm est capable de tirer six coups par minute à une distance de 40 kilomètres puis de s’éloigner rapidement, avant d’être localisé par les radars ennemis. Sa précision est redoutable. Interrogé le 7 décembre par Le Monde, le ministre de la défense ukrainien, Oleksii Reznikov, a d’ailleurs réclamé à la France davantage de ces obusiers mobiles qui « se sont particulièrement distingués sur le champ de bataille ». Dix-huit Caesar ont déjà été fournis à l’Ukraine et bientôt six de plus, à en croire l’Elysée.
Même si Jérôme Galy-Dejean préfère en révéler le moins possible, Aubert & Duval est au cœur de la conception du canon tant prisé par les Ukrainiens. Cet engouement et l’intérêt de nombreux autres pays pour l’engin militaire dopent les carnets de commandes de l’entreprise et bousculent ses délais de production.
Mi-juin, prenant la parole au salon international de la défense et de la sécurité Eurosatory, Emmanuel Macron a enjoint aux industriels de l’armement d’entrer en économie de guerre et de se mettre en ordre de marche pour « aller plus vite, plus fort, au moindre coût ». Aubert & Duval a reçu le message, comme nous ne manquerons pas de nous en apercevoir.
Cette entreprise de 3 600 salariés, propriété du groupe minier Eramet, compte neuf antennes en France, mais c’est dans l’usine métallurgique située à Firminy (Loire), dans la périphérie de Saint-Etienne, que le fût du Caesar prend forme, façonné à partir d’un bloc d’acier de 25 tonnes. Depuis près de vingt ans, le site forge les tubes du système d’artillerie soumis à la rude épreuve du feu. Ces longues ébauches sont ensuite livrées au groupe d’armement français Nexter dans son établissement de Bourges. L’industriel se charge alors de leur finition technique d’une rare complexité, puisqu’il s’agit notamment de strier l’intérieur des pièces pour en augmenter la justesse et la puissance de tir.
Aucun doute, Firminy mérite une visite. Pas si simple, cependant. Il faudra attendre trois semaines avant que le premier non répété avec fermeté par Jérôme Galy-Dejean se transforme, au fil des jours et des tractations, en : « Oui, à condition de… »
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lien source : L’usine qui fabrique le canon Caesar, un secret militaire jalousement gardé