En décidant de présenter ses vœux aux acteurs de la santé, une première depuis son arrivée à l’Elysée en 2017, Emmanuel Macron a évité l’écueil de l’exercice convenu et des vagues résolutions pétries de bonne volonté. Face à une crise sans précédent du secteur, le chef de l’Etat a pris la parole, vendredi 6 janvier, pour enfin donner des orientations précises et un calendrier qui engage le gouvernement, même si le modus operandi reste à préciser.

La situation l’exige. Depuis plusieurs années, les crises succèdent aux crises. La tension ne cesse de monter dans tous les secteurs de la santé. L’hôpital est proche du point de rupture, les déserts médicaux s’étendent mois après mois, les professionnels de santé sont en manque de reconnaissance et en état d’épuisement avancé. La crise des vocations prend de l’ampleur, ne faisant qu’aggraver les pénuries de personnel, qui étaient déjà patentes. Enfin, les Français commencent à douter d’un système qui a longtemps été présenté comme le meilleur du monde, mais qui n’est plus que l’ombre de lui-même.

La pandémie de Covid n’a été qu’un révélateur de dysfonctionnements trop longtemps ignorés et de mauvais choix dictés par la volonté de juguler l’offre de soins pour des raisons d’économies, alors qu’il aurait fallu l’adapter à une demande qui était en train d’exploser, notamment en raison du vieillissement de la population et du développement des maladies chroniques.

Le plan « Ma santé 2022 », avec la suppression du numerus clausus, qui plafonnait le nombre d’étudiants en médecine, le Ségur de la santé, engageant, un an plus tard, 12 milliards d’euros annuels pour mieux rémunérer les soignants, ont été présentés comme la promesse d’une refondation. Ils n’ont en réalité constitué que des pansements sur un système qu’il faut rebâtir de fond en comble. Le chantier sera d’autant plus long et difficile qu’il ne dépend pas seulement d’enveloppes budgétaires. Pour attirer de nouveau les soignants, il faut une réorganisation profonde, qui passe par des changements de gouvernance ainsi qu’une nouvelle approche des métiers et des conditions de travail.

Accepter l’improvisation

De ce point de vue, les propositions avancées par le chef de l’Etat vont dans la bonne direction. Au-delà des moyens, l’hôpital a besoin de s’extraire des contingences administratives, il a besoin de souplesse dans l’organisation du temps de travail, et de redonner du pouvoir au corps médical. Il était temps que ces demandes soient prises en compte, tout comme la suppression du mode de tarification à l’acte, qui a instauré une course à la rentabilité perturbante pour l’offre de soins comme pour la gestion des établissements.

Quant à la médecine de ville, les déserts médicaux ne se résorberont pas du jour au lendemain. En attendant de former les praticiens de demain, il faut accepter l’improvisation. La coercition ayant peu de chances d’être acceptée dans le climat de tension actuel, l’exécutif a raison de miser sur l’incitation, en proposant de mieux rémunérer les médecins qui sont prêts à assurer plus de gardes ou à prendre en charge de nouveaux patients. Le recrutement de 10 000 assistants médicaux, qui permettront aux praticiens de se décharger des tâches administratives pour consacrer plus de temps aux patients, est également bienvenu.

Si le diagnostic est bon, rien ne dit que le dosage du traitement sera suffisant pour surmonter le mal. Mais il faut surtout espérer que ce nouveau plan n’arrive pas trop tard pour remettre sur pied un système de santé profondément et durablement ébranlé.

Le Monde

lien source : Plan santé : soigner le système, faute de pouvoir le guérir